“Nous sommes gouvernés par les banques depuis trop longtemps"

Published on Friday, 02 May 2014 13:46

(Extraits de l’interview de la journaliste suédoise Kajsa Ekis Ekman avec Alexis Tsipras. 16 avril 2014)

  Alexis Tsipras est à la tête d’un parti soutenu par un tiers des électeurs dans son pays. Il est le candidat de la Gauche à la Présidence de la Commission Européenne. « Le destin de la Grèce est inséparable du destin de l’UE. », déclare Tsipras. « Maintenant la Gauche s’organise pour résister ! ».

  Les média suédois ont tendance à se concentrer sur la montée du parti néo-nazi « Aube Dorée » en Grèce, cependant la majorité des citoyens qui n’ont pas à manger ne sont pas intéressés par le nazisme.

  Au contraire, on constate aujourd’hui en Grèce l’émergence de la Gauche. Les syndicats et la société civile ont apporté plusieurs fois leur soutien à la Gauche lors des dernières manifestations qui appellent à en finir avec l’austérité.

   La coalition de gauche radicale grecque, SYRIZA, emmenée par Alexis Tsipras, est devenue la plus solide d’Europe. Cette mouvance regroupe des socialistes, des écologistes, des féministes, la société civile et des trotskistes qui sont maintenant crédités de 30% d’intention de votes par les sondages. Beaucoup pensent que Tsipras pourrait devenir le prochain Premier Ministre grec.

  Retour sur sa visite à Palerme en Italie, ainsi que sur la crise en Grèce et sa stratégie pour alléger la dette en Europe.

Comment s’est déroulé votre visite à Palerme?

C’était de la folie ! Je me suis senti comme un joueur de foot. Quand j’ai atterri, beaucoup de gens m’attendaient en criant. SYRIZA est porteur d’espoir dans toute l’Europe. Beaucoup de gens sur tout le continent ont vu leur salaire diminué et sont endettés jusqu’au cou. Maintenant ils espèrent que nous puissions changer la donne.

La crise n’est-elle pas finie maintenant? Comme le rapporte les médias suédois.

Vraiment? Ils disent çà ? Ils ne se permettraient pas de dire ça en Grèce, avec 30% de chô- mage et 60% pour les jeunes. Cette année, même le nombre de morts causés par la grippe a augmenté de manière exponentielle. Les experts disent que cela est dû à la difficulté pour une partie de la population d’accéder aux soins.

Beaucoup de gens pensent que vous allez devenir Premier Ministre grec. Quel serait votre première mesure dans ce cas?

La première chose à faire sera de réguler les taux d’intérêts. La deuxième mesure sera d’abolir les lois que la Troika (FMI, BCE et Commission européenne) a imposées à la Grèce. Troisièmement, nous nous attaquerons à la crise humanitaire. Nous restaurons aussi le niveau des revenus tels qu’ils étaient avant la crise. Nous relèverons le salaire minimum dans le secteur privé de 520 euros par mois à 750 euros.

Et qu’adviendra t-il si vous arrivez au pouvoir en mettant en place ces mesures et que l’UE les rejette ? Sans argent, vous serez dans une situation difficile pour faire avancer vos réformes…

La question est de savoir si l’UE peut accepter l’existence d’une crise humanitaire dans un de ses Etats membres. Certaines personnes vivent sans électricité, et cela devrait s’aggraver. Donc oui, c’est important de renégocier le prêt avec nos bailleurs. Le paiement des intérêts doit prendre fin. Et nous voulons organiser une grande conférence avec tous les pays endettés en Europe pour trouver une solution commune. Nous voulons un new deal européen, dans la même veine que ce qui avait été proposé à l’Allemagne en 1953 dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale pour alléger le poids de sa dette.

Honnêtement, vous pensez vraiment que le FMI et les représentants européens seront d’accord avec votre projet?

Je suis un réaliste. Ce sera difficile pour eux de refuser. De plus en plus de gens reconnaissent que les mesures de la Troika sont un désastre. Cela ne peux plus durer. Même le FMI parle maintenant d’alléger les dettes. Une banqueroute de la Grèce serait une catastrophe pour le reste de l’Europe qui le sait très bien. Il n’y a plus d’alternative.

Vous dites que vous allez relancer la production en Grèce mais comment allez-vous faire alors que vous êtes un pays peu industrialisé comparé au nord de l’Europe. Que pourrait produire la Grèce pour se relancer ?

D’accord on ne fait pas de voitures, mais nous avons beaucoup de ressources naturelles: du minerai dans les montagnes, du gaz naturel (en cours de privatisation). Nous voulons relancer le secteur du tourisme et investir dans les énergies renouvelables, l’énergie solaire. De plus notre plus grande richesse, ce sont nos jeunes éduquéEs, dont 300 000 ont déjà quitté la Grèce ces dernières années.

Racontez-moi un peu d’où vous venez ? Vos parents étaient-ils aussi politisés?

Mon père était ingénieur et ma mère femme au foyer. Ils n’étaient pas actifs politiquement. Dès l’âge de 7 ans j’ai commencé à lire les journaux et mon engagement politique date de mes années à l’université.

Qu’en pensaient vos parents?

Je n’en ai pas trop parlé avec eux. En tout cas j’allais toujours à contre-courant. J’ai adhéré aux Jeunesses Communistes en 1989 juste après la chute du Mur de Berlin. Alors que tout le monde se détournait de l’idée communiste, j’en était très attiré.

En ce qui concerne votre candidature à la Présidence de la Commission européenne, était-ce une idée de vous?

Non, non ! C’est Gabi Zimmer, la Présidente du groupe de la Gauche au Parlement européen, qui en a eu l’idée. Elle me l’a demandé en Octobre. Je n’étais pas sûr au début puis ensuite j’ai pensé que c’était une idée brillante pour jouer dans la même cour que les autres partis. C’est la première fois que la Gauche aura la possibilité de façonner les politiques en Europe. Nous ferons rupture avec le consensus libéral et socio-démocrate qui prévaut depuis si longtemps. Les gens ont les mêmes problèmes partout en Europe. Les frontières ne sont pas ce qui nous sépare, ce sont les classe sociales ! Nous sommes gouvernés par les banques depuis trop longtemps. Il y a une guerre de classe qui est en cours, et elle se cache derrière les soit-disant plans de sauvetage. Si nous venions à gouverner l’Europe, nous changerions complètement la donne.

Interview origine suédoise: http://www.etc.se/utrikes/grekiske-vansterledaren-vi-har-regerats-av-banker-alltfor-lange